Récital de Nancy Benda, au violon et …à l’alto

Compte-rendu

Nous avions fait connaissance avec Nancy Benda depuis plusieurs années: elle vient régulièrement enseigner et jouer dans le cadre de la Semaine internationale de piano chaque année en août à Blonay-St-Légier, à la Fondation Hindemith et au temple de St-Légier pour les concerts.

Cette magnifique artiste, d’une superbe intelligence musicale, cumule de grandes qualités: des qualités de communication, la capacité de se remettre en question et d’évoluer constamment dans son cheminement musical personnel, une chaleur humaine tranquille et très contagieuse. Ce qu’on appelle « de la classe » ! C’est agréable de discuter avec une telle personne, abordable et disponible.

Nous avons donc pu la convaincre de venir jouer dans le cadre de nos concerts, où elle a choisi d’inaugurer la réalisation d’un projet qu’elle nourrissait depuis quelque temps déjà: jouer dans un même concert des pièces en solo au violon, et d’autres à l’alto. Un pari pas très facile: certes, les 2 instruments sont voisins, mais les sensations au jeu de chacun doivent être quand-même significativement différentes, leur caractère également, et pour l’alto, il faut trouver le répertoire, car peu de musique a été écrite pour cet instrument en solo.

Elle a choisi de tenter un pari particulièrement audacieux: jouer sur chaque instrument des pièces de Jean-Sébastien Bach en solo. Pour le violon, les Partitas N° 2 et 3 BWV 1006, et pour l’alto, la Suite pour violoncelle N° 3 BWV 1009, dans une transposition pour l’alto, qui se joue fréquemment. En complément, à l’alto, la « Cadenza pour alto solo » de Krysztof Penderecki, et pour le violon, la Sonate op. 27 N° 3 d’Eugène Ysaÿe, histoire de proposer également des pièces du XXe siècle pour tenir compagnie à Bach…

Le pari a été magnifiquement réussi. Bien que jouant sur violon moderne, Nancy Benda a tenté très scrupuleusement de mettre en relief « à la baroque » les nombreuses articulations de ces pièces à l’écriture très dense, où, dans les apparentes limites d’un instrument « mélodique » solo, on peut superposer une mélodie, une harmonie, voire de la polyphonie, ce qui sollicite de la part de l’artiste d’une part un solide bagage technique pour maîtriser la chose, justesse comprise, mais également un travail stylistique en profondeur, pour alléger le jeu, supprimer pratiquement totalement le vibrato, de manière à pouvoir laisser entendre la grande densité d’éléments superposés, sans en faire un gros pâté sonore indigeste…

Or Nancy Benda a été très attentive à faire « respirer » la musique de Bach et de mettre en valeur son « discours musical », la rhétorique et la symbolique qui sont propres à la musique baroque. Le travail de recherche personnel était évident et déjà passablement abouti, l’intériorisation de tout ce travail s’était déjà opéré, de manière à libérer l’artiste pour qu’elle puisse se laisser aller au plaisir d’interpréter cette musique et à laisser s’exprimer sa sensibilité musicale et nous la faire partager.

Le public présent a bien capté cette démarche, et l’artiste a été chaleureusement applaudie …par 20 personnes, encore une fois, une fréquentation bien décevante !