Patrick Ayrton, clavecin, & Marie Rouquié, violon: Tartini et ses élèves

Compte-rendu:

 

Où il est question de compositeurs très connus, tels Touchemoulin, contrairement à d'illustres inconnus, par exemple Mozart...

Une très agréable soirée musicale vient de se dérouler à La Goulue, une de plus certes, mais une de choix ! Devant une petite quarantaine de personnes, Patrick Ayrton, claveciniste-organiste (et moultes autres activités musicales), enfant de la région résidant maintenant en Bourgogne, en complicité avec la violoniste parisienne Marie Rouquié, récemment émigrée à Poitiers, nous ont offert un programme à deux axes: Tartini et Touchemoulin d’un côté, et Mozart de l’autre.

Tartini, compositeur italien du second XVIIIe siècle écrit une musique assez virtuose, mais d’une écriture s’inspirant tout à la fois de la musique vocale, et des diminutions si caractéristiques de la période de la Renaissance… De fait, nous avons entendu une pièce dans laquelle Tartini propose pas moins de 12 variantes de divisions sur une mélodie italienne connue à son époque, toutes plus virtuoses les unes que les autres. Il aurait été fastidieux d’entendre les 12, et la violoniste n’y aurait peut-être pas survécu…;-))

Celle-ci nous en a proposé deux, et nous avons pu découvrir la très grande subtilité de son jeu, jeu d’archet d’abord, mais aussi jeu de velours sur un instrument sonnant tellement chalheureusement et de manière intimiste qu’on aurait pu croire qu’elle jouait de l’alto. On était loin des accusations du caractère métallique des violons baroques ! Au contraire, il fallait bien écouter pour entendre les infinies subtilités de son jeu, qu’elle a pu se permettre de distiller, parce qu’à La Goulue, on peut produire les effets les plus fins: l’exiguité de l’endroit et la proximité du public permettent qu’on entende tout !

Marie Rouquié, concentrée à égréner les innombrables diminutions dans le Tartini

Patrick Ayrton s’est avéré à la fois un continuiste et un soliste de choix, assurant la basse chiffrée sur la seule base d’un fac-simile de la partie de basse chiffrée de l’époque ! Il assure le redoutable exercice du continuo avec un brio et un bonheur sans égal, en grande complicité avec la violoniste ! Touchemoulin s’avère être un « élève » de Tartini fort talentueux, dont la musique, inspirée des canons de la musique italienne apprise chez Tartini, sonne tout-de-même souvent de manière très française de mon point de vue !

Puis nous avons eu droit à des pièces de Mozart peu connues, à commencer par une suite pour clavecin ressemblant étrangement à une suite française de Bach par sa structure, mais même par le style de son écriture. De Mozart encore, nous avons pu également découvrir une version violon baroque et clavecin d’une des nombreuses sonates de violon, qu’on entend habituellement au violon moderne et au piano (voire au violon classique et pianoforte), mais jamais avec le clavecin ! L’exercice est …plus ou moins concluant: Ça fonctionne en général assez bien, mais par ci par là, on sent qu’il manque la profondeur, l’ampleur des attitudes expressives que permettaient déjà les pianoforte du temps de Mozart… Mais l’exercice était très intéressant, avec une violoniste au jeu toujours très fin et discret, sans esbroufe, et il fallait tenter l’exploit que le clavecin ne couvre pas totalement le violon, dans ce registre de nuances !

J’allais oublier: Patrick Ayrton nous a gratifié, sous la forme d’une sorte de suite fictive assez amusante dans ses mouvements (comme celui qu’il a intitulé « une fuguette …Dreyfuss », du nom d’une grande claveciniste de la première génération de clavecinsites d’après-seconde-Guerre mondiale, au moment du regain d’intérêt pour la musique ancienne), une improvisation sur le célébrissime thème de « La Folia » (ou des « Folies d’Espagne »): on a beaucoup ri à ces improvisations souvent malicieuses, pleines d’allusions musicales drôles.

Donc un concert très agréable, intéressant, d’autant plus que les artistes nous ont bien expliqué le contexte très particulier de la musique de cette époque, marquée par la fin du baroque et le début du classique, et qui s’était parfaitement bien « plié » au caractère intimiste et convivial du cadre de La Goulue. Après un bis, la verrée a été l’occasion de bien des échanges entre le public et les artistes…