Les Nørn: « Urhu » entre tout juste à La Goulue… et le public aussi !

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Les Nørn sont de retour ! Pour toutes celles et ceux qui en ont déjà goûté, à La Goulue ou ailleurs, ça ne se rate pas, surtout qu’elles nous reviennent avec un nouveau spectacle, Urhu, qui met bien sûr en scène l’immuable trio féminin constitué par Anne-Sylvie Casagrande, grande orchestratrice et compositrice en chef, et chanteuse, comme ses 2 acolytes, Edmée Fleury et Gisèle Rime. Mais cette fois, un étrange personnage s’invite sur la scène, Georg Traber, qui va traverser tout le spectacle de sa présence… Mais n’en disons pas davantage, afin de ménager l’effet de surprise, sauf que de spectacle en spectacle, les Nørn continuent leur progression et se sont fait un beau sillon « malgré » (ou grâce à) leur style inimitable… À ne manquer sous aucun prétexte ! Le résultat est fascinant, on ne vous dira rien de plus…Au vu du succès des Nørn en général, et lors de leurs dernières escales à « La Goulue »: réservation obligatoire !

Compte-rendu

Eh bien, chers amis gouluphiles, force est de constater que le résultat a été bien au-delà de nos espérances…

En effet, tout d’habord, relevons que les réservations se sont avérées fort utiles ! En effet, les Nørn utilisant tout l’espace du salon, la place dévolue au public était plus restreinte que d’habitude. Nous avons dû refuser du monde, et nous avons « cougné » un grand maximum de chaises, tabourets et autres marches d’escaliers, une fois l’espace dégagé de tout objet inutile et déplaçable, pour finir par caser, avec  un chausse-pieds, …70 personnes !!! Un record en son genre…

Et ce sont 70 personnes enthousiastes qui ont applaudi à tout rompre 4 artistes d’exception, avec des costumes, une petite mise en scène et un …gros accessoire qui, ma fois prenait bien de la place…

Les artistes ont été à la hauteur de leur réputation: nos trois Nørn avaient concocté un programme musical de choix et de qualité, tout écrit en …nornic, comme il se doit, et dans la pure veine de l’identité musicale que le groupe s’est donné.

Mais cette fois-ci, il y avait un étranger dans le groupe… et un drôle d’étranger, en vérité. D’abord, c’était un homme, chose incongrue en soi chez les Nørn. En plus, il n’était pas vraiment avec les autres, ne chantant pas, ne portant guère d’attention à leurs gesticulations, leurs éructations musicales non, Georg Traber était tout à son affaire, et l’affaire était hautement hasardeuse au départ. En outre, nous assistions à une étrange scène, en bordure de scène SAUF QUE, tout de même, la « chose » occupait un espace considérable, donc pour le moins envahissant.

Mais racontant, « comme en direct », le déroulement de cette étrange histoire…

La chose consistait simplement, au départ, en un vieux char à pont, bien de chez nous, en bois, avec ridelles en bois, grosses roues en bois cerclées de fer, timon en bois, manivelle pour les freins et tout le toutim… Un bel objet en somme, et nous nous demandions bien comment le groupe allait utiliser ce sympathique véhicule. Elles avaient largement la place pour soudainement sauter sur le pont et chanter depuis là en haut, sauf que…

Sauf que Georg avait d’autres vues sur l’objet. Et avec force réflexions, pauses, petit à petit, il se mettait à démonter le char… Dévissant, désossant, posant certaines pièces par terre, vis et écroux et tringles métalliques dans sa poche, et prenant les plus grosses pièces pour les pré-assembler un peu plus loin… Et gentiment, étape par étape, on voyait un char disparaître irrémédiablements sous nos yeux inquiets, et à côté, une sorte de construction improbable qui changeait tout le temps d’allure s’échafauder par palliers… Les pièces semblaient un peu disposées au hasard, le timon pendant en bas de l’échafaudage, mais l’homme plongeait régulièrement la main dans sa besace pour en sortir vis, tringles et écrous, et fixait peu à peu solidement les pièces l’une après l’autre les unes aux autres, en une étrange construction, qui prenait forme avec la régularité d’une …horloge…

…et finalement, c’en était bien une: de toutes les pièces initiales du char à pont, il n’en est finalement restée aucune sur le sol, la nouvelle construction ayant tout recyclé !

Pendant ce temps, nos trois Nørn chantaient, jouaient de cloches disposées sur les limites de leur espace de scène. Nous avions le concert, les pantomimes des chanteuses costumées, et derrière elles, le mécanicien diabolique qui mitonnait sa machine infernale… Le tout était rythmé par des tentatives périodiques désespérées de chacune des trois Nørn pour nous expliquer de quoi il s’agissait. Comme elles s’exprimaient en nornic elles aussi, impossible d’en comprendre davantage ! Mais à chaque fois, Georg semblait soudain s’apercevoir de leur présence, et pressentant que nous ne comprenions vraiment pas, prêtait son secours pour tenter de nous traduire du nornic en …schwitzertütsch ! Et en s’embrouillant encore en plus…: inutile de préciser que nous n’avons pas compris davantage ses explications à lui, et de toute façon, lassé de son insuccès, notre homme finissait toujours par retourner à son mecano géant…

Géant oui, car j’ai bien fini par croire qu’il n’arriverait jamais au bout de sa construction, lorsqu’elle s’en est allée effleurer les poutres du plafond… mais non ! Ouf, elle avait atteint sa hauteur définitive, et, alors que les Nørn achevaient leur dernier chant, nous y voilà !

L'horloge Traber, symbole du temps...La machine était montée, encore largement énigmatique. Georg ayant sorti les seuls accessoires qui n’appartenaient pas au char originel: 2 rubans qu’il avait fixé aux roues qui se retrouvaient tout en haut, permettait de jouer le rôle de courroies de transmission. Une ficelle enroulée sur l’axe des roues avec un poids au bout, permettait de faire tourner le tout, et une drôle de boîte perchée au sommet, entrouverte, commençait lentement à se pencher vers l’extérieur… C’est qu’en même temps, le timon servait de balancier et assurait à l’horloge de tourner, assez régulièrement… en bas de la construction, juste au-dessous de la boîte sommitale, était posé négligemment un tambourin, appuyé « de guingois » contre la machine.

…et le pot-aux-roses se découvrit: la boîte une fois bien ouverte et penchée, commença à laisser tomber du sable fin, qui, allant tambouriner par un doux frottement la peau du …tambourin, achevait sa course sur le sol. Et la machine fonctionna jusqu’à ce que la boîte soit entièrement vide, ce qui signifiait en quelque sorte la fin des temps, …et dans la foulée la fin du spectacle !

La Goulue avait été enchantée, le temps de chants égrenés et de l’étrange démontage et remontage d’une horloge, et jusqu’à ce que le sablier du temps eût fini d’égréner en autant de secondes son flux léger et fragile, et le délicat frottement des grains sur la peau, pour laisser un joli petit tas de sable beige…

Il était temps pour nous de lentement nous réveiller, de revenir de ce voyage dans le …temps, le thème du spectacle « Urhu »…

Et j’ai passé bien des détails, le spectacle était tellement riche, original, insolite et merveilleux. Nous avons été bien heureux d’être pour une soirée l’écrin de ce bijou, qui renvoyait tous les horlogers du monde à leurs chères …horloges: le temps ne se laisse pas ainsi emprisonner, chacun sait ça.

La suite de la soirée permit au nombreux public de s’initier aux arcanes de la création des Nørn, disponibles, puis nous finîmes à quelques uns à manger une assiette bien méritée pour les trois déesses nordiques qui avaient encore une fois ré-inventé la musique et le spectacle, tant ce qu’elles produisent refuse malicieusement et obstinément de rentrer dans un des tiroirs-à-catégorisation des arts ! C’était quoi ce truc ? Ben un spectacle musical et visuel, ne ressemblant à rien, rappelant un tas de choses, et réunissant trois chanteuses et un spécialiste du …théâtre d’objet, Georg Traber, qui doit bien avoir sa propre production artistique en solo ou avec d’autres artistes…

…qu’il faudra un jour également inviter dans nos murs !