Le « Trio Cuvillés »: Marjorie Pfister, traverso; Angelika Hörtler, cello; Warwara Manukyan, pianoforte: Haydn, Playel, Amon

Compte-rendu:

Une mémorable soirée musicale que celle du « Trio Cuvillés », avec Marjorie Pfister jouant de la « flûte traversière classique » (l’instrument à l’époque des Haydn et Pleyel, soit fin du XVIIIe siècle), Angelika Hörtler, violoncelle, et Warwara Manukyan au pianoforte (un instrument mis gracieusement à notre disposition par Pierre Goy, que je remercie encore au passage…).

Ces trois musiciennes de très haut vol, ayant toutes trois le souci d’une recherche des sonorités poussées au plus haut degré, sont vraiment au service de la belle musique et débordent de musicalité, mais aussi, ce n’est pas pareil: d’intelligence musicale. La synthèse de tout ça, et l’écoute réciproque des membres du trio, le tout au service d’oeuvres de premier plan et d’un grand intérêt, on produit un concert presque miraculeux…

Concentration, écoute réciproque, intensité musicale...

Au programme: 2 trios de Joseph Haydn, ouvrant et concluant le concert, et au milieu: une Sonate en trio d’Ignaz Pleyel (magnifique !), et une Sonate en trio de Johnann Andreas Amon(inconnu au bataillon, mais ça valait la découverte).

Comment éviter de devoir tourner les pages !!!

Cette impression que l’on peut avoir parfois, que du début à la fin du concert, on se dit qu’elles ont joué …comme il faut jouer cette musique, aussi bien en général que sur chaque passage, pour chaque note… Lorsqu’on en est là, c’est que les musiciens sont parvenu à rendre naturelle leur interprétation, évidents leurs choix, alors qu’on peut de toute évidence jouer ces oeuvres autrement ! Le propre d’une oeuvre majeure du répertoire, en tout cas à mon goût un des indices déterminants pour désigner un chef-d’oeuvre, c’est justement la possibilité qu’on a de la jouer de diverses manières. En miroir, le propre d’un bon musicien réside dans l’impression qu’il doit nous donner que son choix était le seul possible, et sans qu’on ne s’en aperçoive a priori: simplement, on écoute avec bonheur et sans se poser de question, preuve que l’interprétation en est évidente.

La grâce naturelle de Marjorie Pfister

Le plus frappant: l’extraordinaire sonorité de la flûte traversière classique (à mi-chemin entre le traverso baroque et la flûte traversière moderne: une flûte en bois, et avec déjà un certain nombre de clés, mais pas encore le fameux « système Böhm » ni le métal, argent ou or, dont sont faites les flûtes traversières actuelles, bien que le métal soit apparu très tard et ne se soit généralisé qu’au XXe siècle). Marjorie Pfister en a tiré toutes les immenses possibilités expressives, on buvait cette sonorité qui était comme miraculeuse de beauté.

Le violoncelle et le pianoforte, dans ce type d’écriture en transition vers la sonate romantique, est aussi une transition entre le « continuo » baroque, au service de l’instrument soliste, et le vrai trio romantique, où l’on a plutôt trois instruments d’égale importance qui se combinent de toutes les manières possibles. Dans tous les cas, si les parties de violoncelle et de pianoforte n’ont pas exactement la même importance dans les oeuvres musicales interprétées, il est indispensable qu’elles soient en parfait accord avec la tierce personne, en l’occurrence la flûtiste. Or il n’y avait strictement rien à redire sur ce point: la violoncelliste et la pianofortiste ont été au-dessus de tout soupçon…

Connivence, encore...

Le public, heureusement en nombre substantiel, a été unanime d’enthousiasme à l’issue du concert, et quant à moi, je chercherais désespérément le moindre défaut à leur reprocher: je n’ai rien détecté en cours d’écoute, ou alors, s’il devait y a eu quelques scories, la beauté de la musique et de son interprétation ont tellement absorbé mes oreilles et provoqués d’émotions qu’il ne restait plus aucune place pour détecter les minuscules éventuels faux pas. Disons donc que, faute d’en avoir entendus, il n’y en a point eu…

Warwara Manukian "au civil": beau sourire et bel accoutrement !

Pour une fois, une "photo de famille" à laquelle les hôtes de La Goulue sont associés

Le plaisir de jouer...

Le magnifique pianoforte de Pierre Goy