Compte-rendu du récital:
Mais Pierre Hantaï n’a pas « bradé » l’événement; après avoir choisi notre clavecin français « Taskin », oeuvre de Jean-Michel Chabloz, il a consacré un long moment pour le « régler » à sa convenance, puis pour choisir les pièces « fonctionnant » bien sur cet instrument.

Quelques réglages pour optimiser l'instrument ...avec l'accord du facteur de l'instrument et ...de son propriétaire !
Le moment du concert venu, il a présenté son choix, notamment celui d’ouvrir le concert par des « petites » pièces du jeune Jean-Sébastien Bach, en fait de véritables bijoux qu’il a ciselé avec un sens infaillible de cette musique, réglée au poil, servie par un toucher d’une grande clarté mettant en valeur subtilement chaque voix, chaque détail de la polyphonie, le tout nimbé d’une douce résonance qu’il avait créée en limitant l’intensité d’action des étouffoirs… au final, un Bach racé et parfaitement dosé, mais sans en devenir pour autant « intellectuel »: un Bach parfois dansant, parfois plus sobre d’expression. On sent que ce compositeur est un chantier permanent pour Pierre Hantaï, et il est vrai que la musique du Cantor de Leipzig recèle tant de richesses qu’il y a bien à faire pour trouver le juste dosage et l’expression que chaque interprète tente de … »recréer » autour de cette musique sans fond…
William Byrda ensuite été l’occasion d’une brève incursion dans le monde des virginalistes anglais, dont Pierre Hantaï laisse entrevoir qu’il les maîtrise également de main de maître.
Nombre de personnes attendaient avec impatience l’arrivée de Domenico Scarlatti… Il faut dire que Pierre Hantaï en a gravé 3 CD qui ont fait grande impression: le claveciniste y étale toute la palette d’atmosphères possibles, des plus échevelées et extravagantes aux plus douces et évocatrices, avec des contrastes parfois brutaux, et des attaques d’une telle fougue que les claviers ont dû parfois craindre pour leur survie…
Mais les outrances d’écriture de Domenico l’italo-espagnol interdisent dans certaines pièces l’onctuosité de toucher et d’attaque qui peut convenir pour une partie de la musique française. Là, les audaces harmoniques, les contrastes rythmiques, les ruptures d’écriture abruptes doivent ressortir, sous peine d’édulcorer une musique que l’on pourrait parfois croire improvisée sur l’instant. Le résultat en est étourdissant et Pierre Hantaï déclenche au final un tonnerre d’applaudissements d’un public conquis sans peine.
En bis, il a bien voulu accéder à ma supplique d’en profiter pour …déflorer un rien la virginité de mon fraîchement acquis …virginal, ou plutôt muselaar, à la sonorité puissante, ronde et chaude, qui a totalement médusé le public.
Nul doute que ce dernier reviendra pour écouter, mais pas avant 2009, un récital entièrement dévolu à cet instrument d’une somptuosité dans la décoration et d’une beauté sonore dont l’artisan est Dieu lui-même ! Mais oui, vous avez bien lu: Dieu, le facteur de cet instrument, …Alain Dieu, de Boudrivilliers, en France voisine, outre-Jura, qui a réussi là un vrai bijou à l’appel duquel je n’ai su résister, et je compte bien emporter au paradis de ce Dieu-là sur son divin instrument un nombreux public, pour autant que je trouve les interprètes qui sauront rendre tout le potentiel chatoyant de ce somptueux fiston de la famille des clavecins, mais un fiston moins connu des non-clavecinistes…
Au final, une soirée d’intense bonheur musical, qui s’est achevée par le partage de fines gouttes et force autres gâteries tout en faisant connaissance… Au royaume de Dieu, un ange a passé, qui avait pour nom Pierre Hantaï, qu’on réinviterait demain les yeux fermés…