Daniela Numico: un clavecin au service de Carl Emmanuel Bach et …de compositeurs du XXe siècle !

Compte-rendu du récital:

Le 20 janvier dernier, La Goulue accueillait une claveciniste valaisanne, Daniela Numico, pour un récital un peu hors du commun: en effet, l’artiste avait choisi de jouer 2 types de répertoire qu’on ne s’attend généralement pas à entendre jouer au clavecin…Il s’agissait d’une part d’oeuvres de Carl Philip Emmanuel Bach; ce dernier est certainement le fils le plus doué du grand Jean-Sébastien. L’originalité de son oeuvre est considérable, de par son audace harmonique, mais surtout de par la grande liberté avec laquelle il aborde les grandes « formes musicales », donnant parfois le sentiment que ses pièces sont des improvisations écrites tant la liberté d’écriture transpire à chaque coin de portée… Mais surtout, ces oeuvres sont composées à peu près à l’époque de Mozart, en un temps où l’écriture musicale évolue clairement vers le classicisme, et on ne peut pas dire des oeuvres de Carl Philip Emmanuel qu’elles respirent le langage baroque si cher à son père… Il est fort probable que ces oeuvres, en leur temps, ont surtout été jouées au pianoforte.Mais la principale originalité du récital consistait à avoir glissé entre les pièces de Bach fils des oeuvres de compositeurs du XXe siècle écrites pour le clavecin. En effet, et c’est réjouissant, cet instrument qui avait largement disparu du monde musical depuis la Révolution française, non seulement a retrouvé dans la seconde moitié du XXe siècle l’intérêt des interprètes pour aborder le répertoire écrit pour cet instrument entre les XVIe et XVIIIe siècles, mais a également intéressé les compositeur du siècle dernier, très friands de découvertes en tous genres: nouveaux procédés d’écriture musicale, nouveaux modes d’expression, mais aussi exploration de nouveaux univers sonores, qu’ils soient de source électroniques ou que ce soit en explorant l’infini instrumentarium que nous a légué l’Histoire de la musique, mais aussi celui hérité de toutes les civilisations traditionnelles dans le monde, dont on a également la chance de pouvoir découvrir les musiques grâce aux miracles de l’enregistrement et à la possession des instruments.

Donc, Daniela Numico nous a offert une petite incursion dans cet univers de la composition récente pour clavecin, notamment par l’intermédiaire d’une oeuvre un tant soit peu connue, mais une vraie prouesse technique à exécuter, à savoir « Continuum », de György Ligeti, célèbre compositeur hongrois mort récemment. La performance fut de taille suffisamment …impressionnante pour inciter le public à se lever et à se rapprocher de l’instrument pour assister de plus près à l’interprétation de ce morceau de bravoure. Les autres pièces du XXe siècle exécutées lors de ce récital étaient des compositions de Maurice Ohana et de Takemitzu

Une chose à regretter toutefois: malgré l’excellente performance de l’artiste, qui n’est tout-de-même ni une inconnue, ni une artiste de second plan, le public a battu un triste record ce soir-là, celui de la plus petite fréquentation des « Concerts à La Goulue »: 10 personnes seulement ont fait le déplacement…

J’avoue être toujours un peu triste quand je dois constater le peu de curiosité des mélomanes lorsqu’il s’agit de répertoires moins connus, et pire encore, de la musique dite « contemporaine »…