Compte-rendu:

Beatrice Voellmy, très concentrée, distillant une musique d'une voix chaude, enveloppante, avec une interprétation "au poil" !
Quel magnifique concert auquel nous avons pu assister ce samedi ! Nous y avons découvert 2 artistes particulièrement talentueux, notamment une soprano, Beatrice Voellmy,probablement plutôt …mezzo lyrique, dotée d’une voix chaude et enveloppante, maîtrisant à la perfection sa voix et le style des pièces interprétées, capable de faire oublier que La Goulue n’est pas une salle idéale pour le chant: on ne s’en est pas aperçu une seconde.
À ses côtés, le claveciniste Christoph Kaufmann, un complice jouant les …5 claviers de 3 de mes clavecins, cherchant constamment à construire intelligemment un discours musical, quêtant le son idéal pour la chanteuse, donc changeant régulièrement d’instrument, sans aucune difficulté ! C’est rare: la plupart des clavecinistes préfèrent habituellement choisir un instrument pour la soirée, voire éventuellement 2, joués en deux temps selon le programme musical. Mais là, Christoph Kaufmann est allé jusqu’à changer de clavecin à l’intérieur d’une même pièce, à l’occasion d’un changement de …couplet ! Et ça ne paraissait pas incongru du tout !
La première partie du programme était dévolue à trois compositeurs pour ce qui est du chant: des airs de Henry Purcell, décidément un fabuleux musicien, ayant un sens inné de la voix, ayant écrit des airs à faire frémir les plus endurcis… Mais aussi, des mélodies de John Dowland à couplets, probablement au départ des « lute songs », mélodies accompagnées au luth, genre particulièrement en vogue dans l’Angleterre élisabéthaine, écrits près d’un siècle avant Purcell, et tellement agréables à entendre dans leur simplicité. Christoph Kaufmann nous offre encore, aux claviers du « Ruckers », une très belle pièce, assez virtuose, de William Byrd.
Au milieu de ces pièces anglaises, une cantate de la compositrice italienne Barbara Strozzi, issue de ce XVIIe siècle italien qui fut un creuset expérimental musical particulièrement actif et productif. Les cantates de Barbara Strozzi sont d’une écriture magnifique, mais redoutable; aucun souci toutefois pour Beatrice Voellmy, qui s’est jouée detous les pièges et nous a fait frissonner dans les fluctuations des passions amoureuses exacerbées par le langage musical de cette époque…

Le duo dans la cantate de Barbara Strozzi: Beatrice est absolument "dans" le personnage dont elle épouse les états d'âme...
Par ailleurs, les artistes nous ont gratifié de quelques pièces de musique contemporaine, notamment des mélodies sur des « Quatrins valaisans » de Rainer Maria Rilke, composés par un compositeur allemand (il me manque le nom, mais ça va venir): deux très belles mélodies, sobres d’écriture et poétiques. Puis une création d’une compositrice …sud-coréenne, Junghae Lee, pour clavecin solo: pour moderne que soit l’écriture, elle est parfaitement adaptée au clavecin, instrument que la compositrice doit fort bien connaître. La pièce met en valeur l’instrument, allant chercher des sonorités insoupçonnées, avec des changements d’atmophères soudains, surprenants mais toujours intéressants. Une vraiment passionnante pièce à mettre au répertoire de la musique contemporaine pour clavecin. Le public a beaucoup apprécié cette pièce, dont la seule vue des partitions fait rêver… Une autre pièce pour clavecin solo a été exécutée, « (titre oublié, mais je le retrouverai) », de Gyorgi Ligeti, composée en 1978. Cette pièce reprend en ostinato une mélodie à la main gauche, tandis que la droite butine ici ou là, perturbe parfois la mélodie répétée, dans un langage minimaliste qui est également captivant à suivre.
En bis, nous avons été gratifiés de « Music for a while », un air de Purcell bien connu, que Christoph Kaufmann a accompagné au virginal, donnant à cet air une atmosphère sonore particulière, à nouveau dans une interprétation toute de subtilité et de finesse dans les inflexions vocales de Beatrice Voellmy, qui nous a laissé-e-s tout pantelants…
Bref, vraiment un concert très intéressant, mais mais mais… suivi par 8 personnes !!!! Hélas, si cette tendance se confirme, malgré une vaste campagne d’annonce pour nos concerts, l’avenir des « Concerts à La Goulue » s’annonce très compromis…