La pianiste Coraline Cuénot, un récital de rêve…

Un récital tout en subtilité pour un programme classique; une jeune pianiste pleine d’avenir…

La pianiste fait corps avec l'instrument qu'elle joue et écoute tout à la fois...

Samedi 21 janvier dernier est descendue des frimats de La Chaux-de-Fonds une jeune pianiste de 23 ans, Coraline Cuénot, pour honorer notre piano Fazioli et la petite quarantaine de personnes présentes d’un magnifique récital de piano solo.

Au programme: Haydn, Chopin et Beethoven. Nos concerts n’étaient plus habitués à un programme strictement romantique, donc le retour à ce répertoire fut un plaisir …d’autant plus grand que cette jeune pianiste à la personnalité très affirmée l’a défendu avec fougue et grâce…

Il fallait une certaine dose de courage pour aborder les grandes ballades de Chopin et la sonate « Waldstein » de Beethoven. En effet, s’agissant d’oeuvres aussi prestigieuses, tout un chacun a dans l’oreille les interprétations des « grands maîres ». Il n’y a que la jeunesse pour oser proposer crânement un tel programme. Disons-le d’emblée: ce fut une réussite.

La sonate N° 62 de Joseph Haydn (intéressante comme beaucoup d’oeuvres de ce compositeur trop injustement classé à l’ombre de Mozart ou de Beethoven), fut un ravissement: le toucher très contrasté, sensible et chatoyant de la pianiste a trouvé un écho favorable de la part du piano, puis des auditeurs. Nous avons entendu une oeuvre d’une grande richesse et d’une grande fraîcheur, bondissante, aérée, à laquelle la pianiste a su donner du relief.

Chopin a posé plus de problèmes à notre concertiste. La 1e ballade lui a valu quelques ratés qui l’ont manifestement déstabilisée. La jeunesse, un trac mal maîtrisé et un zeste d’inexpérience l’ont amené à « marcher sur des oeufs » et à ne jamais parvenir à retrouver le « souffle » de cette pièce. Mais dans la 4e ballade, Coraline Cuénot a retrouvé la conduite des événements, nous permettant de nous assurer qu’avec un peu plus de métier, ce genre d’accident ne produira plus les mêmes conséquences et que Chopin est bien à sa portée.

Le « clou » du concert a été la sonate N° 53 « Waldstein » du grand Ludwig Van… je crois bien que c’est l’une des meilleures versions que j’aie entendue de cette oeuvre somptueuse. Il n’y a jamais que le tout début qui soit …injouable. Pareille entrée en matière m’a toujours surpris de la part de Beethoven. Qu’en faire ? Comment « entamer la partie » ? J’attends toujours le (la) pianiste qui m’en offre la clé… Mais Coraline Cuénot, une fois ce premier écueil honorablement franchi, s’est impliquée entièrement dans cette oeuvre, faisant totalement corps avec elle, au sens premier du terme: on avait l’impression que la musique sortait directement de son corps tout entier. Son visage rayonnait, ses expressions épousaient les contours de son interprétation. Les notes coulaient de source, l’oeuvre paraissait comme « évidente », comme naturelle, comme si elle avait toujours dû être jouée ainsi. Un parfait dosage de finesse, de fougue, de contrastes parfois brutaux, parfois coulants comme Beethoven sait nous en inventer.

Le concert s’est donc ainsi achevé par un tonnerre interminable d’applaudissements par un public ravi, applaudissements amplement mérités, mais dont l’artiste, dans sa timidité toute simple, touchante et naturelle, ne savait que faire, hésitant à trop s’avancer pour saluer… Que de grâce ! Et un avenir certain pour une pianiste à l’immense potentiel et qui saura toucher juste. On en redemande, ça n’est pas si fréquent, ce genre de talent-là.