Bach et « Eliseo », des transcriptions de bon aloi

L’Ensemble baroque « Eliseo » revisite Bach: des oeuvres pour clavier jouées à deux violes, hautbois et basson

Il n’y avait pas autrefois une frontière si nette entre les « oeuvres originales » et les « transcriptions ». À l’époque baroque, aucune formation d’instrumentistes n’étant clairement définie comme aujourd’hui le quatuor à cordes, l’orchestre de chambe ou l’orchestre symphonique, toutes les musiques se coulaient dans tous les moules, au gré des musiciens disponibles ici ou là. Bach lui-même a repris nombre de ses oeuvres, voire celles d’autres compositeurs, pour les retranscrire pour d’autres formations (par exemple les « concertos italiens » inspirés de Vivaldi, mais aussi ses cantates dont on retrouvait des mouvements dans des oeuvres pour orgue, ou le contraire…). Dans le cas de Bach, il y a également des oeuvres qui ont été écrites pour elles-mêmes, sans indication d’exécution, comme l’Art de la fugue ou l’Offrande musicale, dont on ne sait pas quels instruments étaient supposés les jouer.

Il n’y a donc pas à sourciller lorsque l’Ensemble Eliseo se réapproprie des oeuvres tirées des « Inventions à 2 voix », de l' »Art de la fugue », du « Clavier bien tempéré » ou de sonates en trio pour orgue. Le « matériau musical » est réparti entre les deux violes de Lisette Aubert-Milleret et Toshiko Shishido, le hautbois de Vivian Berg et le basson de Jean-Philippe Iracane, et c’est encore et toujours du « bon » Bach…

Ces oeuvres revisitées nous permettent de découvrir pour la première fois à La Goulue …Bach, d’abord (une honte, cette si longue absence), puis le basson baroque, et enfin une formation inhabituelle avec le hautbois cotoyant 2 dessus de viole, le basson assurant …la basse d’un « broken consort » d’un genre particulier. Mais le résultat est parfaitement convaincant, les 4 instrumentistes tirant à la même corde, et la polyphonie, limpide, s’écoule avec vie et relief. Le génie du grand Bach soufflait à La Goulue ce soir-là, et le public a apprécié ce voyage singulier entre des oeuvres écrites à l’origine pour 2, 3 ou 4 voix et à l’intention d’instruments à clavier.