Patrick Montan et les « virginalistes anglais »

Patrick Montan et la musique anglaise pour virginal au début du XVIIe siècle: un travail d’orfèvre

Patrick Montan sur le « Ruckers »: concentration et clarté de la polyphonie

Le 17 Décembre 2005, le claveciniste Patrick Montan, accompagné de la lecture de sonnets de Shakespeare par Nicolas Michael, nous a fait suivre le « trajet d’une rivière » musicale (allusion au roman d’Anne Cunéo du même titre, qui traite justement des compositeurs de cette époque et de cette région), celle de l’immense école dite des « virginalistes anglais », ayant couvert la fin du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle.

Pour ces compositeurs, une source musicale précieuse: le « Fitzwilliam Virginal Book », gigantesque compilation d’oeuvres de compositeurs anglais de cette époque. Il se trouve que ces compositeurs, les Byrd, Bull, Gibbons, Farnaby et autres Dowland, sont loin d’être inconnus, mais à part les « initiés », les auditeurs ont peu souvent l’occasion d’entendre cette musique en concert, surtout le répertoire pour clavier.

Patrick Montan a fait précéder l’exécution d’explications très claires et intéressantes permettant d’entrer un peu dans les arcanes de cette musique qui se laisse déguster par petites lampées…

Ce répertoire est caractérisé à la fois par son caractère polyphonique, mais aussi par diverses influences, celle des danses françaises, celle du foisonnement inventif, tant formel qu’harmonique, des Italiens; mais au-delà de ces influences, propre à une Europe culturelle marquée par les voyages et les échanges de toute sorte, s’affiche un caractère anglais très marqué et reconnaissable.

Par ailleurs, derrière une apparente facilité à l’écoute se cache de redoutables chausse-trappes pour le claveciniste… M. Montan ne les a pas toutes surmontées, mais la grande clarté de son jeu, qui rend limpide la polyphonie, nous a permis de mieux découvrir les richesses somptueuses de cette écriture musicale.

La programmation du concert nous a conduit vers des pièces harmoniquement de plus en plus audacieuses, de sorte qu’a pu ressortir de manière très crue le problème du tempérament dit « mésotonique » de l’accord du clavecin. Cet accord privilégie des intervalles très purs au détriment d’autres qui sont plutôt « trop grands » ou « trop petits ».

Ce système privilégiait le confort d’écoute pour certaines tonalités et certains intervalles usuels dans la musique de l’époque, laquelle est toutefois à un tournant, évoluant vers le chromatisme, l’accroissement des « accidents » de passages et l’usage de tonalités jusque là peu usuelles: les passages chromatiques mettent à nu les intervalles qui sonnent affreusement faux et conduiront petit à petit les musiciens et facteurs à faire évoluer peu à peu le tempérament mésotonique vers le tempérament égal qui s’imposera à partir du XIXe siècle. C’est dans la dernière pièce, une fantaisie chromatique de Sweelinck, que ce problème de tempérament a pu le mieux se laisser entendre, à l’écoute des mélodies comportant de grandes séquences purement chromatiques « à nu », où les inégalités de demi-tons se laissent clairement percevoir…

Une belle soirée marqué sous le signe de la culture anglaise du XVIIe siècle, d’une grande richesse.